La marchande d'amours

La marchande d'amours - Plaque en relief, terre cuite; dans un encadrement en marbre bleu Turquin, à décor en bronze doré; signé

Lot n° 293
21cmx26,5cm

D’une qualité exquise et de provenance prestigieuse, ces deux reliefs, La Marchande d’Amours et le Sacrifice à l’Amour ont été présentés ensemble par Clodion au Salon de 1773. Ils furent décrits dans le Livret de Salon, sous le n° 249, comme suit : Deux bas-reliefs sous le même numéro; l’un, un sacrifice d’Amour, l’autre une Marchande d’Amours. Ils ont chacun 1 pied de large, sur 10 pouces de haut’. 

C'est vraisemblablement lors de l’exposition du Salon en 1773 que le Prince de Conti a découvert nos deux reliefs afin de les acquérir pour enrichir sa collection. Louis François de Bourbon (1716-1776), prince de Conti, fut l’un des collectionneurs d’art les plus importants du XVIIIe siècle. Arrière-petit-fils de Louis XIV et cousin de Louis XV, il est le fils de Louis-Armand de Bourbon et de Louise-Élisabeth de Bourbon. L'un des personnages clefs de l’opposition princière à Louis XV, le prince de Conti joua un rôle central à la cour de Versailles dans les années 1740 et 1750. Après sa mort, son fils revendit aussitôt ses œuvres dans deux ventes organisées, en 1777 et 1779. 
Sujet très prisé à l’époque, la description du relief dans le catalogue de la vente en fait encore l’éloge : ‘Un beau bas-relief de Clodion, représentant la marchande d’Amours, composition à six figures : hauteur 8 pouces, largeur 9 pouces, dans une bordure dorée’. L'œuvre fut adjugée 200 livres lors de cette vente et acquise par un certain M. Feuillet.

Nos deux reliefs témoignent de la redécouverte et d’adaptation des sources antiques dans l’art français de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, annonçant le style néoclassique en France. Ainsi, Clodion a emprunté la composition des trois personnages jouant avec des Amours d’une fresque antique retrouvée en 1759 à l’Herculanum, et gravée en 1762 par Carlo Nolli. (cf. Le Pitture antiche d’Ercolano, t.III, 1762, pl.41). La célèbre peinture de Joseph-Marie Vien, exposée au Salon de 1763, reprend cette même composition, et a certainement influencée Clodion dans le choix de son sujet. La Marchande d’Amours de Vien a suscité l’éloge des critiques à l’époque, notamment de Diderot qui souligne le caractère frivole de l’œuvre.

Le relief en marbre de la Marchande d’Amours est conservé au musée de Nancy (fig. 1), un autre marbre a été exposé, en paire avec le Sacrifice à l’Amour par Trinity Fine Art, en 1994 à New York. Seul un autre relief en terre cuite est connu à ce jour, conservé à Boston dans une collection privée américaine (cf. Poulet, Scherf, op.cit., fig. 113).

Notre terre cuite témoigne de la virtuosité de Clodion, créant un jeu savant dans la gradation du relief qui part de lignes en méplat incisées dans la terre dessinant les contours et les profils pour contraster avec la plasticité des corps. Le talent du sculpteur s’exprime aussi dans le modelé savant des coiffures élaborées et la chair potelée des enfants, l’un s’envolant et l’autre venant se blottir affectueusement contre la jeune femme assise. On remarque la délicatesse dans le traitement des visages et des silhouettes des trois jeunes femmes vêtues de longues tuniques plissées, finement dessinées, pour épouser les formes des corps.