Jean-Charles PELLERIN
Jean-Charles PELLERIN
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Imagier et imprimeur, né à Epinal en 1756, il décède dans cette même ville en 1836. Epinal, 21 janvier 1756 – Epinal, 14 février 1836
Son père, Nicolas Pellerin, époux de Marie-Anne Pierson, établi à Epinal depuis 1740, exerçait la profession de marchand cartier, libraire et relieur. Il travaille d’abord dans l’atelier paternel et apprend le métier de fabricant de cartes à jouer. C’est cette profession qui figure dans l’acte de son mariage, le 16 février 1779, avec Jeanne Lagarde. Il s’initie également au métier d’horloger et, en tant que tel, s’établit à son compte dans une maison dont il fait l’acquisition rue Léopold-Bourg. Jusqu’à la Révolution, il mène de front la fabrication de cartes à jouer et l’horlogerie. En 1787, il adhère à la Loge Parfaite Union créée l’année précédente. Veuf en 1789, il se remarie le 16 mars 1790 avec Marie-Gabriel Urbain.
Devenu un des principaux notables d’Epinal, il est élu le 16 novembre 1790 au conseil municipal et, le 12 novembre suivant, il est nommé officier municipal. Il met un terme à ses fonctions civiques en décembre 1792 pour se consacrer entièrement à ses activités professionnelles. Il abandonne celle d’horloger tout en continuant cependant à produire les cadrans d’horloge en papier. Il donne un grand essor à sa fabrication de cartes à jouer malgré les tracasseries continuelles des commis de la régie chargés de la perception des droits et en dépit de l’obligation de supprimer, à partir de 1793, les signes rappelant la royauté. En 1806, sa production est remarquée dans l’exposition d’industrie organisée à Paris. Il présente quatre sixains de cartes superfines de piquet qui obtiennent un joli succès en raison de la beauté des papiers, de l’uni et de la finesse des cartes, de la netteté des portraits et de la modicité des prix. Dotées d’une réputation solidement acquise, les cartes à jouer de la maison Pellerin seront fabriquées jusqu’en 1876.
A partir de cette date que l’on peut situer autour de 1800, Jean-Charles Pellerin se lance dans l’imagerie populaire qui le rendra célèbre. Habile à graver le bois pour imprimer les figures des jeux de cartes et à les colorier au pochoir, il met ces techniques au service de la production d’images. Il travaille d’abord seul ou avec quelques apprentis, mais très vite il fait de sa profession une véritable industrie. A partir de 1800, il établit une imprimerie, possède 4 presses et monte une fonderie de stéréotypes. Son imprimerie est officiellement reconnue par un arrêté du ministre de l’Intérieur du 9 juillet 1811. Elle figure au nombre de celles autorisées à maintenir leur activité après la mort de leur fondateur. C’est alors, et pour de nombreuses années, la première imprimerie du département. Il édite principalement des livres de dévotion et de la bibliothèque bleue. Dans la première catégorie, il multiplie les tirages de l’Ange conducteur dans la vie chrétienne, La Journée du chrétien…, le Miroir du pêcheur, l’Innocence reconnue…, les Vies de saints, psautiers, catéchismes… Dans le genre populaire et distrayant, il inonde les marchés et les campagnes d’histoires telles que les Trois bossus de Besançon, la Malice des femmes, Etrennes aux riboteurs, Jean de Calais, Robert le Diable, le Dialogue de Cartouche et Mandrin…
Il produit aussi nombre d’ouvrages scolaires, grammaires françaises, traités d’arithmétique… Il ne dédaigne pas la publication de ces fameux canards, feuilles volantes colportant des rumeurs ou fausses nouvelles à caractère sensationnel : Relation d’un grand tremblement de terre, Evénement surprenant arrivé dans la commune de Grosmagny, Haut-Rhin… En 1823, il atteint une production maximale de 49 ouvrages imprimés dans l’année, représentant 162 000 exemplaires.
La production d’images n’est pas moins impressionnante. Un catalogue de 1814 offre un choix de 164 gravures différentes parmi lesquelles le thème religieux domine avec les image de saints ou de préservation (Scènes de la vie du Christ, Sainte Famille, Vierges de toutes sortes, Saint Hubert, Saint Alexis, Saint Nicolas, ainsi que la célèbre frise des douze apôtres…). Les images d’actualité tiennent une place de choix (la famille impériale, les maréchaux), ainsi que les récits populaires (Barbe-Bleue, Estelle de Némorin…), les images morales ou satiriques (Crédit est mort, le Grand diable d’argent, les Degrés des âges, les Quatre vérités d’aujourd’hui…), enfin les planches de soldats (grenadiers de la garde impériale, hussards, cavalerie turque, mameluks…).
Lors de l’invasion de 1814, Pellerin reprend su service à la municipalité et se dévoue pour atténuer les effets de l’occupation. Préférant les affaires à la vie publique, il se retire dès l’année suivante. A partir de 1815 il abandonne naturellement les portraits de l’Empereur pour les remplacer par ceux des derniers Bourbons (Louis XVIII, le comte d’Artois, la duchesse de Berry…). Ce ralliement personnel aux Bourbons ne l’empêche pas d’avoir de sérieux ennuis avec l’administration préfectorale en raison de son ancienne production. Il est condamné à l’audience correctionnelle du 14 février 1817 à 4 mois de prison et 6000 francs d’amende pour avoir écoulé les images prohibées ; il fait appel de ce jugement et est finalement gracié. Ce n’est qu’à partir de 1820 qu’il ose progressivement revenir à l’imagerie napoléonienne en inaugurant la série des batailles de l’Empire (la retraite de Moscou en 1820 et la bataille de Waterloo en 1821…). Il est encore inquiété pour la première de ces images et accusé de l’avoir fait distribuer gratuitement dans les campagnes. Il arrive à se justifier grâce à de nombreux témoignages déposés en sa faveur par les maires du département.
Lassé semble-t-il de cette surveillance permanente, il cède à son fils Nicolas son brevet d’imprimeur et, le 27 décembre 1822, il vend son affaire à ce dernier ainsi qu’à son gendre Pierre-Germain Vadet. Il ne se retire pas tout à fait et continue à suivre de près l’activité de la maison qu’il avait fondée et qui allait porter le nom d’Epinal dans le monde entier.
Bibl. : EcriVosges : "Biographie vosgienne".