Lorraine, terre d'artistes - 4 -


Chers Amis

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Rappel

Aller à la rencontre des peintres lorrains et de leurs oeuvres, du XVlle siècle à nos jours, est notre objet. Il a pour but de partager avec Vous un moment de détente et d'intérêt pour le monde de l'art, toutes époques confondues. Pour ce faire, nous choisissons concomitamment de vous présenter quelques grands traits qui ont marqué géographiquement, historiquement, économiquement la Société d'hommes et de femmes de notre région à travers les différentes périodes de son histoire.
Le premier de ces traits est "l'affrontement" car il caractérise l'histoire de la Lorraine, longue bande de terre prise en étau entre deux géants : l'empire germanique et le royaume de France. La "guerre de Trente Ans" (1618 - 1648) a été immortalisée par Jacques Callot, le graveur qui a mis en images cette époque tragique et qui inaugure le propos "Lorraine, terre d'artistes".
Dans nos articles précédents nous avons suivi Jacques Callot dans son enfance nancéienne, dans ses premières aventures italiennes, son arrivée à Rome et sa formation chez Antonio Tempesta. Continuons, si vous le voulez bien, à le suivre pas à pas......

 Jacques Callot à Florence, Capitale du Grand Duché de Toscane

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 L'ingénieur Remigio Cantagallina, que Callot avait connu lors de son premier voyage, et qui lui avait donné ses premières leçons de gravure, était parti quelques mois auparavant pour les Flandres, après avoir laissé quelques estampes intéressantes à Florence. Il avait gravé, en 1608, sur les dessins de Jules Parigi, deux suites d'eaux fortes, l'une illustrant les intermèdes représentés à l'occasion du mariage du Grand-Duc Cosme ll, l'autre reproduisant les vaisseaux des Argonautes qui avaient figuré sur l'Arno dans les fêtes du même mariage.
C'est en tout cas par ce biais que Jules Parigi demande à Tempesta de le rejoindre à Florence. Le maître rejoint la Toscane avec son élève Jacques en 1611.

D'après le biographe Jacques Lieure, nous savons que l'organisation des Fêtes à Florence était généralement confiée à Jules Parigi qui mettait en scène  un grand nombre d'artistes. Le récit de ces fêtes était conservé par les auteurs florentins, Andrea Salvadori, Baccio Bandinelli notamment et les éditeurs de Florence, les Guinti, Pignoni, Sermatelli qui faisaient illustrer les volumes d'armoiries, d'estampes et de plans, lorsqu'ils avaient l'occasion d'avoir un graveur sous la main.
A ce travail "journalistique", ajoutons que certains artistes vivaient à la cour de Toscane. Citons pour la statuaire : Pierre Tacca, élève de Jean de Bologne ; pour la peinture : Dominique Passignani, Mathieu Rosselli, Christophe Allori, Cigoli, etc..., seuls les graveurs faisaient défaut.

Tempesta, sitôt arrivé à Florence avec son jeune apprenti, Jacques Callot, alla s'installer avec lui dans l'atelier de Jules Parigi, pour exécuter le travail que ce dernier lui avait commandé pour le compte du Grand-Duc. Une fois la commande terminée, Tempesta retourna à Rome, recommandant le jeune Callot à la bienveillance de Jules Parigi qui voulut bien le garder, et comme Jacques était d'un naturel spirituel et enjoué, il gagna l'affection du Maître. C'est chez lui que Callot se perfectionna dans l'art de la gravure à l'eau forte, procédé qui l'intéressait au plus haut point et qui deviendra pour lui le moyen de s'exprimer avec brio.

Jacques Callot révèle son talent à travers les personnages de la comédie italienne

Sous le règne des Médicis, et en particulier sous Cosme ll, Florence était la ville où tout servait de prétexte à réjouissances. Des fêtes étaient données fréquemment pour distraire le peuple tandis que la Comédie italienne et ses bouffons, les Zani constituaient le spectacle ordinaire de la Cour de l'Archi Duc.
En les voyant, Callot fut prodigieusement amusé, passionément intéressé. (Voir les Caprices, les Trois Pantalons, la Guerre d'Amour, la Guerre de Beauté). Ces deux dernières séries gravées au cours des années 1616 - 1617, lors des fêtes organisées par le Grand Duc.

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Il suivra désormais les comédiens florentins qui eurent tant d'influence sur le théâtre italien d'abord, sur le théâtre français ensuite ; il notera leurs grimaces, leurs contorsions, leurs gestes si amusants. Lui seul nous transmet leurs costumes, nous donne l'idée exacte de leur jeu de bouffonneries excentriques (regardons les séries des Balli , ou des Gobbi qu'il gravera ultérieurement à Nancy).

 

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Dans l'ouvrage "Vie de Jacques Callot", Baldinucci précise "ils allaient souvent par troupes, qui s'appelaient des Compagnies. Parfois, ils jouaient dans les palais ou dans les salles de théâtre ; parfois ils s'installaient simplement sur des tréteaux montés dans les carrefours ou sur les places publiques (...) Les Zani étaient des gens instruits, très au courant des scènes de théâtre. Dans certains des spectacles qui se donnaient à la Cour, ils secondaient les seigneurs qui jouaient eux-mêmes des rôles. Ces derniers les estimaient et fraternisaient volontiers avec eux ; ils apprenaient d'eux la manière de bien dire, l'art de se tenir en scène et surtout celui de se faire valoir auprès des dames. (...)
A l'occasion des fêtes célébrées périodiquement dans les grandes villes, plusieurs Compagnies se réunissaient, et c'étaient alors des représentations extraordinaires dans lesquelles tous faisaient assaut : les uns de verve et de poésie, les autres de grimaces et de bouffonneries. Chacun y trouvait son compte et leur présence seule amenait la gaité dans les villes et assurait l'amusement des foules"
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Il n'y avait pas de fête sans eux et ils étaient de toutes les cérémonies, de toutes les réjouissances. Ils faisaient partie de la vie de Florence et de certaines villes de l'Italie, en particulier Rome et Naples. Tous étaient de joyeux compères, bons enfants, serviables entre eux, toujours disposés à s'entr'aider mais encore à rendre service à tous. Ils logeaient n'importe où, se nourrissaient très frugalement. Leur vie était sans besoins, ils n'avaient jamais le souci du lendemain. Chacun était bon pour eux, leur donnant tantôt des vêtements, tantôt de l'argent. Et malades, ils étaient admis dans les hôpitaux, où ils étaient soignés gratuitement.
Beaucoup plus tard, de retour à Nancy, le souvenir profond de la vie florentine conduira Callot à exécuter une nouvelle version de la suite appelée "les Caprices" ainsi qu'une autre version de "la Foire de l'Impruneta".

 

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Nous verrons la prochaine fois la découverte essentielle que fait Callot en utilisant le "vernis des luthiers"dans sa technique de l'eau forte.
A bientôt Chers Amis.

Robert Leterrier