Les acceptions que suscitent en nous le mot « Art » ne pouvaient pas trouver plus belle illustration que l’actualité de ce mois d’avril : la Grotte Chauvet, considérée comme un chef d’œuvre pariétal.
Classée par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité, les quelques privilégiés qui ont pu pénétrer en son sein, hier, ont fait tomber depuis, dans les salles de rédaction de la presse, une pluie de superlatifs.
Le mot « art » (du latin ars, artis, signifiant « façon d’être, façon d’agir »), est donc à l’honneur aujourd’hui tant il est vrai que celui laissé dans les falaises du Cirque d’Estre par des homo sapiens d’il y a quelque 36 000 années ont émerveillé la communauté scientifique et artistique de ce jeune XXle siècle….
Rappel en quelques mots
En 1994, trois chercheurs : Jean Marie Chauvet, Elliette Brunet et Christian Hilaire découvrent à l'intérieur de falaises ardéchoises, une grotte qui portera le nom de l’un d’entre eux ; considérée comme un joyau de l’humanité à protéger, une reproduction à l’identique, mais en plus petites dimensions, fut construite et décorée par des artistes plasticiens. La réplique fut inaugurée hier, 10 avril en présence du président de la République, à Vallon Pont d’Arc et s’offre désormais aux yeux du public.
Il y a 36 000 ans…. L’Art
Les premières œuvres d’art de l’humanité restent pour chacun d’entre nous source d’émerveillement, mais à l’envers, elles ne manquent pas de questionner notre vie intérieure. Loin des turbulences et préoccupations de nos quotidiens, nous entrons dans l’œuvre imposante tracée par ces mains artistes, aux oeuvres signées à l’ocre rouge qui laissent courir sur les parois de la grotte,les bestiaires d’une époque lointaine.
Ainsi, il y a 36 000 ans, les peintres rupestres ont utilisé les reliefs, les arêtes de la roche pour donner un mouvement à un troupeau, ou composer un gigantesque tableau et les spécialistes parlent d’une peinture en trois dimensions. Et pour eux, bien avant notre ère, les hommes de la grotte Chauvet maîtrisaient la plupart des techniques modernes.
Les ateliers contemporains, avant d’entreprendre leur travail de « copie », se sont posés les questions du «Comment reproduire les dessins les plus anciens de l’humanité ? »
«Nous avons phosphoré pour retrouver les gestes de nos ancêtres les Aurignaciens... Il faut d’abord bien comprendre ce que l’on voit : les mouvements, les détails…. Sinon, la copie n’est pas parfaite».... (...)
Notre seule volonté a été de transmettre au public cette fabuleuse découverte » indique modestement pour sa part le président du projet de la Caverne du Pont d’Arc.
Deux œuvres monumentales nous émeuvent particulièrement : le panneau des chevaux et la fresque des lions sont d’une beauté indicible ; ces hommes de la préhistoire ne seraient-ils pas les premiers à nous donner un cours magistral de « ce qu’est l’art » ?
Beaucoup de concepts à propos de l’Art
Depuis l’antiquité, « l’Art » n’a cessé d’être interrogé et le concept a fait déjà beaucoup parler et beaucoup écrire. Il interpelle encore le XXle siècle à travers la production d’œuvres contemporaines, il le fera demain encore, puisque l’art est une production humaine, une œuvre de civilisation qui aide à comprendre les représentations sociales qui s’y rapportent.
Au Moyen Age et jusqu’à la Renaissance, il n’y a pas de différence précise entre « artiste » et « artisan ». Le propos est parfaitement illustré par Norbert Elias dans son écrit sur Mozart.
Les philosophes du temps des Lumières apportent un regard nouveau dans leur réflexion sur les sens et le goût, conception basée sur l’idée de beauté qui en résulte.
Au XXe siècle, plusieurs thèses s’affrontent où l’art est considéré comme un phénomène qui est lié à l’individualité dans ses rapports à une communauté. Il n’a donc pas existé de tout temps, son apparition étant liée à l’autonomisation de l’individu dans la vie collective.
D’autres thèses, adeptes de l’investigation documentée se sont employées à replacer concrètement l’art dans la société.
Résumé plus que succint, il est vrai, pour considérer de bien des façons "l’art", marqué par une époque, des croyances, des appartenances,des modes et une pensée collective qui en résulte.
En ce sens, l’œuvre d’art offre au regard de nombreuses interrogations en raison même de la richesse de ses significations. Pour dire autrement, si l’œuvre est un fragment culturel, elle n’est pas que cela ; elle peut transcender le présent et se charger de valeurs au-delà de son milieu. Elle offre une expérience personnelle et intransmissible du beau.
L’art serait donc « l’expression » des émotions et sentiments de l’homme ; mais cela n’est pas à travers quelques lignes d’écriture que nous aurions la prétention de traiter cette immense question qui, en attendant de nouveaux débats, reste ouverte aujourd’hui.
Pour conclure : la réplique de la Grotte Chauvet nous invite à l’aube des temps pour rêver devant l’œuvre extraordinaire de nos premiers artistes, réappropriée par les plasticiens contemporains qui en ont réalisé la « copie ».
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Aujourd’hui, donnons le mot de la fin à P. Francastel « Le moyen d’expression qu’on appelle « art » est une des formes de la pensée en acte, absolument irréductible à toutes les autres. Il y a une pensée plastique ou figurative, comme il y a une pensée verbale, ou mathématique, économique, politique ou biologique ; chacune de ces formes de pensée reposant sur un exercice d’un certain nombre de fonctions fondamentales de l’esprit ». P. Francastel, Art et technique aux XlXe et XXe siècles Gallimard, 1956 (p.289)
A bientôt
Robert LETERRIER