Portrait en buste de Caroline Murat, reine de Naples, coiffée d’un turban
Lot n° 19
Rare miniature ovale, signée en bas à droite “Dun”. H. 8,4 cm x L. 6,2 cm. Dans un riche cadre rectangulaire en bronze doré d’époque Empire (élément supérieur rapporté). H. 20,5 x L. 15,5 cm.
Provenance - Commandé par Caroline Murat, reine de Naples (1808-1815) en 1814. - Donnée par Caroline Murat à son intendant Louis-Frédéric Bourgeois de Mercey (1762-1850) en 1822. - Puis achetée par le célèbre collectionneur Emile Brouwet (1864-1941) chez Parquet en 1924 pour 3.500 frs de l’époque. - Vente de la collection Brouwet, Hôtel Drouot, 27 et 28 mai 1935, lot 207 (planche XII)
Historique La miniature était présentée à l’origine dans un entourage de fer poli surmonté d’une plaque de nacre gravée “Souvenir” en lettres gothiques, elle était placée sur un presse-papier en lave du Vésuve sur lequel était gravée la devise “Chaque jour davantage 1822”. Le montage original a été conservé par le vendeur mais la miniature est présentée aujourd’hui dans un beau cadre en bronze doré de l’époque, avec passe-partout en papier bleu. Nicolas-François Dun, né en Lorraine dans une famille de musiciens à la cour, aurait quitté sa ville natale fort jeune et suivi les armées napoléoniennes en Italie avant de s'installer à Naples au début du XIXe siècle, où il va participer au renouveau artistique de la ville. La carrière de Dun peut se diviser en trois périodes : celle de son arrivée à Naples jusqu’en 1808 à la cour de Lady Hamilton, l’époque Murat de 1808 à 1815 (à laquelle se rattache notre miniature), et la période de 1815 à sa mort en 1832, où Dun travaille à nouveau pour les Bourbons de Naples et les membres de l’aristocratie européenne. L’époque du règne de Murat de 1808 à 1815 est particulièrement intéressante pour l’art de la miniature à Naples qui connaît alors un réel engouement (la ville compte une trentaine de peintres spécialistes), si bien qu’en 1809, le roi Joachim institue une classe de miniature dans le cadre de la réorganisation de l’Académie royale de dessin, avec pour professeur Antonio Zuccarelli. Naples devient ainsi la seconde ville à enseigner officiellement l'art de la peinture en miniature en Europe, après Saint-Pétersbourg. Après la chute de Joachim Murat, Dun, se ralliant au pouvoir, travaille de nouveau pour les Bourbons de Naples et des membres de la haute aristocratie européenne de passage à Naples, réalisant ainsi les portraits du prince de Salerne ou encore des comtes Orlov. En 1824, il participe au Salon de Paris où il expose les portraits en miniature du duc et de la duchesse de Calabre. Pour sa part, Caroline Murat, qualifiée de “Reine des Arts”, est reconnue pour sa beauté, son élégance, son esprit et sa culture ainsi que son intelligence politique. Pour son palais napolitain, la souveraine fait appel aux meilleurs artisans de son temps et elle entretient des relations privilégiées et fidèles avec les artistes français et italiens de son époque comme Gérard, Dunouy, Bidault, Rolland, Canova. Elle est tout à la fois collectionneuse avisée, possédant de nombreuses peintures de la Renaissance acquises en Italie, et commanditaire “avant-gardiste”, ayant soutenu Ingres, Granet ou encore la peinture troubadour. C’est dans ce contexte artistique foisonnant que le miniaturiste lorrain Nicolas-François Dun, installé à Naples, réalise le portrait de la reine Caroline Murat en 1814. À la mort de son époux en 1815, elle entame avec ses quatre enfants un exil forcé à Trieste, Vienne et Florence, ville où elle sera finalement enterrée en 1839. Notre portrait miniature de la reine de Naples est remarquable par son rendu précis et sa grande finesse, en particulier dans la qualité du modelé du visage où la peau légèrement nacrée est relevée sur les joues par des touches délicatement rosées. Le buste se détache sur un fond non homogène à petits traits de pinceau. Il ne s’agit pas d’un portrait d’apparat, la reine n’ayant ni couronne ni diadème, mais plutôt d’un portrait intime, superbement coiffée d’un turban d’esprit ingresque. Le soin minutieux des détails comme le turban de gaze ivoire brodé d’or, le double rang du collier de perles, les boucles d’oreilles et la robe de couleurs rouge orangé font de cette miniature une œuvre d’une facture extrêmement raffinée, mettant en valeur l’élégance du modèle. Nicolas-François Dun a réalisé plusieurs miniatures de Caroline, mais il semble que notre portrait, qui la représente en femme plutôt qu’en reine, a eu les faveurs de la souveraine ainsi que de son époux. C’est en effet la dernière image que verra Joachim Murat avant sa mort, puisqu’une miniature de Caroline similaire à la nôtre est enchâssée dans la montre à gousset que regardera le roi de Naples avant d’être fusillé (coll. Alexandre Murat). Grâce aux archives consultées des Princes Murat des Archives nationales de France à Paris, on sait par les comptes de l’année 1814 de la reine Caroline que celle-ci commanda à Dun plusieurs portraits d'elle, du roi Joachim et de leurs enfants en différents formats, espacés en plusieurs commandes. Une série de miniatures était destinée à orner une boîte rouge appartenant à la souveraine. Au début du XXe siècle, les portraits des Murat exécutés par Dun sont dispersés dans différentes collections. Notre miniature identifiable à son montage si particulier et portant le mot très évocateur de “Souvenir” accompagné de la devise “chaque jour davantage” fut offerte par la reine Caroline Murat à “son cher Mercey” en 1822 comme l’indiquait la date sur la petite banderole gravée sur la lave du Vésuve. Louis-Frédéric Bourgeois de Mercey (1763-1850), nommé administrateur du domaine privé et extraordinaire de l’Empire en Italie en 1805, fut au service des Murat à Naples de 1808 à 1815. Il rentre à Paris en 1815, mais il reste un fidèle de Caroline Murat à l’époque de son exil, l’aidant à récupérer une partie de ses biens. La miniature témoignerait des liens privilégiés qui existaient entre la reine et son fondé de pouvoir, et pourrait ainsi être rapprochée du genre des objets dits “sentimentaux”. La miniature, qui ne semble pas faire partie d’une série de miniatures mais plutôt un portrait isolé, est ensuite conservée dans les collections d’Emile Brouwet : “Chez M. Brouwet, à Paris, se trouve un beau portrait, très frais, très ressemblant, très stylé, de la reine Caroline. Il est placé au-dessus d'un presse-papiers, en lave du Vésuve, sur lequel est gravée la devise Chaque jour davantage, et il fut donné par la reine à l'intendant de sa maison de Mercey” (M. Carlo Jeannerat, "Le miniaturiste lorrain Nicolas-François Dun”, in Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Français, 1925). Œuvres en rapport Deux miniatures représentant Caroline Murat par Dun et provenant des collections Murat ont été récemment vendues à Drouot : Collin du Bocage, 23 juin 2017, Souvenirs Historiques, lots 117-118. L’une semble être une deuxième version moins aboutie de notre portrait, néanmoins signée. Un autre exemple est ce double portrait des princes Achille et Lucien Murat, les deux fils de Joachim et Caroline Murat, toujours peints par Dun, vers 1810, et récemment vendus : Christie’s, Paris, 29 novembre 2017, Le Goût Français, lot 25A. Ils faisaient également partie des collections Murat. Littérature - Catalogue de l'exposition Caroline, Sœur de Napoléon, Reine des Arts, présentée au musée Fesch, Ajaccio du 30 juin – 2 octobre 2017. - Nathalie Lemoine-Bouchard, Les peintres en miniature actifs en France, 1650-1850, Les éditions de l’Amateur, Paris, 2008, p. 216. - Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art Français, 1925, "Le miniaturiste lorrain Nicolas-François Dun (1764-1832)" par M. Carlo Jeannerat, pp. 96 à 110. - Henri Bouchot, La miniature française 1750-1825, Paris, Emile-Paul Éditeur, 1910.
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- DUN Nicolas-François